Allo, y a quelqu'un dans la radio ?

 Tu le sais bien. Que si les gens de la radio font la grève, c'est qu'ils ont une, deux, plein d'excellentes raisons. Des raisons pour eux, des raisons pour deux qui écoutent, qui veulent continuer d'écouter autre chose que des antennes qui ne font jamais grève mais piquent un peu tes oreilles, peut-être endommagent un peu ton cerveau. Mais là, tu n'en peux plus. Semaine des éléctions où on croit que personne ne va voter sauf des insconscients qui prennent les vessies brunes pour des lanternes marine. Semaine d'une catastrophe aérienne et dépressive, tu te sens seule seule seule devant la vallée de larmes et laids fantômes qui remuglent.

Obligée, parce que Mademoiselle Radio-c'est-moi-qui-décide, ne laisse passer que BFM Business Morning for business avec ses journalistes qui ne parlent que d'argent. Tu arrives plus travaillante au travail de fait, mais ça t'écorne la fantaisie et l'amour des autres. Moyennant quoi, tous tes repères spaciotemporels sont tellement éparpillés que tu crois que tu as changé de maison sans t'en rendre compte. Alors, les gens de France Inter et de France Info et de France Culture, revenez, s'il vous plaît. Même quand vous m'énervez et que vous dites "tirer les conséquences". Souviens-toi si tu étais lecteur du glog d'avant comment il était question de la radio, ça fait peur de se rendre compte aujourd'hui combien elle est toujours là. Et puis ça rassure aussi. La droite re-re-repasse, Alain Finkielkraut a lâché la rampe, les couvercles de chocolat Poulain ne sont plus bleus electriques, mais y a ta radio.

Octobre 2012

Tu as quelquefois une drôle d’attitude avec les objets. Tu n’es pas trop inquiète pour toi-même si tu engages avec ton ordinateur des dialogues (il ne parle pas en fait, mais ça viendra sûrement) absurdes et le plus souvent teintés de reproche : pas trop inquiète car tu as constaté que tu n’étais pas la seule, à peu près tout le monde engueule son ordinateur un jour ou l’autre, l’inverse se produisant moins. Et puis étant donné le temps que tu passes avec lui (c’est un garçon), tu aurais aussi bien pu l’épouser, il tient chaud lui aussi et fait de la lumière la nuit, mais disons que la comparaison avec un être humain va devoir s’arrêter là.

C’est plus bizarre cette relation avec ton poste de radio. Il a 29 ans facile – hé oui les amis, c’est autre chose qu’un i-pad hein. Bon la marque on s’en fout, le design rien à signaler. Consomme rien, 2 piles basiques tous les.. tu ne sais même pas, même que tu as 10 fois le temps d’oublier où tu as fourré les 2 piles qui restent du paquet de 4. Elle marche, mal, elle chipote grabule et grinche, c’est une plaie pour écouter. Ha oui pardon, tu signales que tu ne penses jamais à TON poste de radio, mais à TA radio, c’est une fille sans aucun doute. Une vieille fille pas commode.

Il y a quelqu'un dans cette radio

Elle est tombée 34567 fois dans sa vie, a bu quelques giclées de cacao chaud, ou de café (elle aime les deux), a absorbé pas mal de démaquillant, a eu l’antenne tortillée dans tous les sens avec des doigts à la confiture ou au shampoing.  Elle a parfois manqué d’oxygène sous des oreillers, elle ,'est presque jamais partie en vacances. Ben non parce que tu voudrais surtout pas l’oublier quelque part.

Elle n'est pas commode et elle t’a collé dans le crâne qu’elle n’était pas remplaçable. Tu as tenté de temps en temps de la coller à la retraite, tu fais tout le marché tous les 3 ans, et comme chacun sait c’est un truc compliqué à trouver un transistor (comme tu aimes ce mot, autant qu'autobus ou sports d'hiver, ou vagabonder), et jamais pu te décider. Elle est super bizarre avec toi, par exemple, elle te prend pour une antenne. Elle marche normalement quand t’es à côté d’elle, mais si tu t’éloignes, elle grabule. Tu te rapproches, grabule plus, te re-éloigne, re-grabule.

Elle n'aime pas bien aller sur d’autres stations radio que la station officielle que tu écoutes (si t’en écoutes une autre, tu ne sais plus où est la cafetière, ça change l’ensemble de tes repères sensoriels), d’ailleurs lorsque d’autres essaient d’en faire quelque chose, elle y met de la mauvaise volonté. Toute ta famille respecte avec une indulgence patiente cette relation entre elle et toi. D’ailleurs dès que tu as un pied par terre, tu colles des bisous du matin à ceux qui sont là, et elle tu l’allumes. Et si tu as un air un peu perdu, il y quelqu’un pour te dire « ELLE est dans la cuisine » ou « ELLE est sur la bibliothèque », avant que tu aies le temps de commencer à borborygmer.

Par exemple elle est très très bizarre en présence d’une autre radio. Pour éviter de la transporter tout le temps d’une pièce à l’autre tu avais décidé de lui offrir une assistante, un radio réveil. Un assistant donc (un garçon sans aucun doute), pas le même statut, le pauvre était attaché à la prise électrique, devait se remettre en route 4 fois par matin vu que tu mets le réveil plus tôt pour pouvoir te rendormir.

Bref, ce radio-réveil n’avait sûrement pas un statut équivalent à celui de Mademoiselle la radio éternelle qui se prend pour quelqu’un. Pas de quoi grésiller. Il s'est produit un truc dingue. Le jour du déménagement. Le premier objet que tu as retrouvé sans peine dans l’accumulation désespérée et hétéroclites des derniers trucs pas emballés ? Ta radio. Le truc qui n’a pas résisté (à cause bouteille de lait entamé, noyade dans le demi écrémé - on se demande pourquoi, pourquoi pourquoi déménager une bouteille de lait entamée...) ??? Le radio réveil.

Elle et toi, c’est pour la vie. Tu ne la laisseras jamais tomber pour un poste de gouttière.

Comments

[isamijauree]

Cher oo, je te rassure, ma radio qui décide de tout a finalement trouvé une station moins pénible, je vais tout de même lui demander si elle ne veut pas aller acheter le journal tant que grève il y a.

Isamij

[oolong]

Chère Isami,



Est-ce que ta vieille radio elle te passera ce soir un film de Manoel de Oliveira en lieu et place de la musique de grève, de la pâle musique en boucles ni brunes ni rien ?



Plutôt qu'une grève qui ne parle pas, une grève qui parle des jours durant comme dans les films de Manoel de Oliveira.



(et BFM Business Morning for business tu devrais arrêter, ça donne des rides de cire au cerveau comme dans un Descartes à l'envers du bocal).



oo